5 novembre 2024

Nanofluides, l’efficacité à la hausse – Page 1

BDD Phase-Change
Compresseurs
Condenseurs
Evaporateurs
Réfrigérants
Systèmes frigo


Catégories de dossiers
Aircooling
Alimentations
Boîtiers
Extreme-Cooling
Hardware
Phase-Change
Watercooling


Derniers dossiers
Nanofluides, l'efficacité à la hausseSwiftech Apogee GTTagan Dual Engine 500 W8800GTX SLI & QX6700 Extreme O/C


Nanofluides, l’efficacité à la hausse – Page 1/8Rédigé par David D. – 14/11/2008
Catégorie : Watercooling

  1 – Comment améliorer encore plus l’efficacité d’un refroidissement liquide ?2 – Nanofluide, késako ?3 – Évolution du concept : « size does matter »4 – Amélioration de deux paramètres de base5 – Lutte contre la couche limite dynamique6 – Quels phénomènes principaux sont candidats pour expliquer ces améliorations ?7 – Que donne un nanofluide dans une application réelle ?8 – Bilan sur l’intérêt d’un nanofluide Page suivante »

Ce dossier sur les nanofluides intervient après avoir été contacté par Jean-Antoine Gruss, ingénieur travaillant pour le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) au laboratoire des échangeurs thermiques (DTS/LETH). La discussion engagée avait pour but d’avoir des renseignements et des conseils sur des démonstrateurs pour réaliser quelques expériences dans un domaine qui nous intéresse : le refroidissement liquide de PC.

C’est donc l’occasion pour nous d’évoquer ce domaine encore relativement au stade de la recherche, de parler des particularités de ces nanofluides que nous utiliserons pour améliorer l’efficacité de nos échangeurs de chaleur et aussi de discuter des quelques tests réalisés avec un watercooling classique. Merci à Jean-Antoine d’avoir partagé une partie de ses résultats pratiques (page 7).

Comment améliorer encore plus l’efficacité d’un refroidissement liquide ?

Quand on voit les fabricants se « battre » sur les waterblocks, par exemple, alors qu’ils ne sont pas loin du mur, on peut se demander ce que l’on pourrait bien modifier pour gagner en performance sans pour autant avoir une machine à la ventilation très bruyante ou qui consomme énormément. Si on peut optimiser un écoulement ou augmenter la surface d’échange entre le fluide caloporteur et les parois d’un échangeur, ces deux aspects trouvent assez rapidement des limites pratiques et économiques. À y regarder de plus près, on dispose a priori d’assez peu de marge de manoeuvre sans vouloir jouer la démesure.

À propos de l’efficacité, supposons que l’on ait deux circuits de watercooling A et B, que A permette de maintenir le processeur à 25 °C au dessus de la température de l’air ambiant et que B n’arrive qu’à atteindre un écart de 30 °C dans les mêmes conditions. Le circuit A est alors plus efficace que B, mais les deux dissipent la même puissance, 100 W si le processeur en fournit 100. Ça dissipe mieux, et non pas plus, pour un circuit de watercooling donné.

Avec un processeur doté d’un IHS non enlevé, les divers éléments qui interviennent dans le transfert de chaleur, ainsi que les principaux facteurs d’amélioration des performances thermiques, sont récapitulés ci-dessous (Figure 1).

Fig. 1 : Trajet de la chaleur au travers des divers éléments présents entre le die et l’air

Chaque élément est source d’une partie de l’inefficacité générale (comprendre « la différence de température entre l’air et le die »). Chacun engendre un écart de température, car chacun impose une certaine résistance thermique au passage de la chaleur. La traversée d’une épaisseur de matière ou d’une interface de contact par un flux de chaleur ne se fait pas sans conséquence. Généralement, plus il y a d’éléments ou d’interfaces à traverser et plus l’efficacité générale en pâtit.

Et si on s’attaquait au fluide pour une fois ?

Dans cette recherche perpétuelle d’amélioration, le fluide n’est jamais remis en question pour des raisons simples : la plupart pense qu’il ne peut pas faire l’objet d’une évolution et dans le cas contraire, il ne nous est justement pas possible de l’améliorer facilement. En effet, en termes de fluides purs non métalliques, l’eau est de loin ce qu’il y a de mieux pour obtenir globalement les meilleures performances dans les conditions normales de température et de pression. Les fluides à base d’huiles, d’alcools ou d’origine synthétique (Fluorinert chez 3M par exemple) sont en deçà, voire très en deçà, des capacités de l’eau pure. Cette eau étant abondante et bon marché, ça en fait le fluide caloporteur par excellence.

Le gros point faible de tous ces fluides est de disposer d’une conductivité thermique ridicule par rapport à la plupart des solides cristallins et des métaux en particulier. La différence atteint un à trois ordres de grandeur. Par exemple, l’eau a une conductivité thermique 668 fois moins importante que celle du cuivre à température ambiante. En revanche, les fluides disposent d’une capacité thermique massique bien supérieure aux métaux, qui leur permet d’emmagasiner beaucoup d’énergie par unité de masse sans trop grimper en température. Par exemple, pour 4182 joules absorbés, un kilogramme d’eau grimpera de 1 °C alors qu’un kilogramme de cuivre grimpera de 10,8 °C.

Propriétés physiques de divers fluides et matériaux (à 20 °C)
Élément Conductivité thermique k (W/m·K) Capacité thermique massique Cp (J/kg·K)
nanotube de carbone 3000-6000
diamant 1000-2600 502
cuivre 401 385
aluminium 237 903
alumine (oxyde d’aluminium Al2O3) 40 750
alliage métallique Ga-In-Sn (liquide) 39 365
mercure (liquide) 8 139
eau 0,599 4182
50 % eau + 50 % éthylène glycol 0,41 3494
éthylène glycol 0,25 2395
huile de moteur 0,14 2000

Pour avoir la meilleure efficacité, la conductivité thermique et la capacité thermique massique doivent être les plus élevées possible. Une faible conductivité signifie que la chaleur mettra beaucoup de temps à se répartir seule dans le liquide par conduction pure (sans déplacement global de matière). Comme un transfert thermique entre un fluide et une paroi utilise à la fois les modes conductif et convectif, elle est un facteur limitant pour bon nombre d’applications impliquant de larges quantités d’énergie à évacuer ou bien dissipées sur de petites surfaces. C’est un inconvénient sérieux, car on ne peut pas sans cesse augmenter la taille des équipements de refroidissement pour compenser. Par implication, la valeur de cette conductivité thermique bride aussi des paramètres comme le coefficient d’échange convectif qu’on souhaite le plus élevé possible.

Un écoulement d’eau rapide et bien turbulent ne suffit-il pas ?

On le verra un peu plus en détail ensuite, mais le fluide au voisinage immédiat d’une paroi a une vitesse très faible par rapport au reste de l’écoulement à cause des effets de la viscosité, aussi bien dans un écoulement laminaire que turbulent d’ailleurs. En exagérant légèrement, cette très fine couche de fluide lent, la fameuse « couche limite », agit donc un peu comme un isolant thermique entre le fluide froid et la paroi chaude. En effet, le transfert d’énergie de la paroi vers le fluide, à travers cette pellicule liquide, se fait localement par conduction (comme un solide) et non pas par convection, ce qui n’est en rien arrangé par le fait que l’eau dispose d’une bien mauvaise conductivité thermique.

Voilà l’une des raisons qui poussent à faire circuler le fluide de refroidissement le plus rapidement possible près des parois du waterblock. Cela augmente le niveau de turbulence localement et minimise la stagnation du fluide près de ces parois, même si elle est toujours présente (viscosité jamais nulle). On emploie alors des jets d’eau rapides, des grilles de picots ou des aspérités diverses et variées pour augmenter la surface d’échange, pour contraindre le fluide a être brassé et empêcher que la couche limite ne se développe à sa guise. On souhaite ainsi éviter que ce soit toujours les mêmes molécules d’eau proches de la paroi qui se chargent d’absorber sa chaleur, avec une hausse de leur température à la clé et une difficulté à la transmettre rapidement à d’autres molécules du fait de la faible conductivité thermique du fluide.

C’est pour cela qu’un très faible débit dans un waterblock est à éviter contrairement à une croyance populaire qui veut généralement le contraire (soi-disant pour laisser le temps à l’eau de se charger en chaleur…). L’écoulement interne tend à devenir laminaire, calme, sans brassage, ce qui conduit à des températures de jonction plus élevées pour les puces électroniques, car les échanges de chaleur paroi-fluide et au sein même du fluide se font de plus en plus par conduction pure vu qu’il n’y a plus de turbulence. Le fluide glisse sur lui-même en couches infiniment minces, indépendantes et superposées sans se mélanger en quelque sorte.

Au contraire, un écoulement turbulent ou brassé améliore l’évacuation de la chaleur loin de la paroi et la répartition au sein du volume grâce aux remous tourbillonnaires et chaotiques qui se forment au sein du fluide (Figure 2). Le mécanisme de conduction entre les molécules de fluide est grandement amélioré dans tout le volume puisque l’énergie thermique est distribuée beaucoup plus rapidement avec d’innombrables collisions moléculaires : c’est la convection (action combinée de la conduction, de l’accumulation d’énergie et du mouvement du fluide). Avoir plus de turbulence signifie un échange de meilleure qualité et donc potentiellement plus d’échange possible.

Exemple

Prenons un tube rond de Ø10 mm dont la paroi interne est constamment maintenue à 40 °C. On y fait circuler de l’eau (entrante à 25 °C) à deux régimes différents, l’un purement laminaire (0,1 m/s) et l’autre turbulent (1 m/s). On simule les écoulements qui se produisent dans ces tubes et on trace les deux évolutions de la température moyenne du fluide à 150 mm de l’entrée du tube. Le fluide va donc se situer entre 25 et 40 °C suivant où l’on se positionne sur le rayon, de 0 à 5 mm, plus froid proche du centre et plus chaud proche de la paroi.

Fig.2 : Le brassage augmente l’homogénéité de température au sein du fluide et permet un échange thermique de meilleure qualité

Dans le cas laminaire avec la courbe (1), l’évolution de la température du fluide près de la paroi est linéaire dans une grande partie de la variation sur environ deux millimètres ici, car le transfert se fait uniquement par conduction pure comme dans les solides (loi de Fourier). On peut comprendre que ce transfert ne soit pas exceptionnel vu la valeur médiocre de la conductivité thermique de l’eau. Au contraire, en turbulent avec la courbe (2), il n’y a qu’une très faible couche de fluide réchauffé au voisinage immédiat de la paroi d’à peine quelques dixièmes de millimètres grâce à la vitesse et au brassage intense. L’écoulement turbulent permet d’homogénéiser un maximum la température du fluide dans tout le volume et de rejeter la chaleur loin de cette paroi.

Le cas turbulent est bien évidemment meilleur grâce à la plus grande proximité de fluide frais près de la paroi, ce qui favorise l’échange thermique (proportionnel à l’écart de température paroi-fluide). En laminaire, la simulation nous donne un flux thermique transféré dans l’eau de 54 W, alors qu’il grimpe à 383 W en turbulent. Attention, l’exemple est à température de paroi imposée, d’où la puissance plus importante transférée dans un meilleur écoulement. Un waterblock est lui soumis à un flux thermique imposé (le processeur y injecte 100 W par exemple), c’est donc l’inverse dans ce cas. Si l’écoulement permet un échange plus efficace, les parois du waterblock deviennent moins chaudes. Par effet de cascade, tout ce qui se trouve sous elles va voir sa température diminuer jusqu’au die du processeur refroidi.

Les deux courbes d’évolution de température permettent aussi de comprendre pourquoi il est plus intéressant de vouloir passer d’un très faible débit (50 L/h) à un débit moyen (200 L/h), plutôt que d’un débit moyen à un fort débit (500 L/h) dans n’importe quel circuit de watercooling (Figure 3). Dans le premier cas, la couche de fluide réchauffée près des parois peut diminuer massivement en passant progressivement de l’allure (1) à l’allure (2). Dès lors, on imagine aisément que lorsqu’on a déjà l’allure (2) avec notre débit moyen, l’épaisseur de cette couche de fluide réchauffé ne peut pratiquement plus diminuer si l’on augmente encore le débit, puisqu’elle est déjà très fine. On y gagnera quand même un peu, car elle diminuera tout de même légèrement avec la turbulence accrue, mais le gain est bien moindre. Plus on débitera, moins on gagnera, car on tend vers un palier infranchissable, peu importe l’échangeur et le fluide.

Fig.3 : Écart de température réel à pleine charge entre le CPU et l’eau avec un Apogee GT sur un Core 2 Duo E6300 B1 @ 3010 MHz et 1,59 V

Par ailleurs, avec un débit élevé, on évite également à l’eau de trop se réchauffer entre l’entrée et la sortie de l’échangeur, sans quoi les températures grimpent encore un peu puisque le fluide interne aura une température moyenne plus élevée. Heureusement, la très grande capacité thermique de l’eau permet de minimiser cet aspect tant qu’on a un débit raisonnable. Dans une majorité de cas, ce point n’est donc pas un souci en soi puisque l’écart sortie-entrée d’un waterblock quelconque est inférieur à 1 °C (Figure 4).

Fig.4 : Écart de température entre l’entrée et la sortie d’un échangeur de chaleur quelconque soumis à un débit d’eau variable

Avoir de la turbulence dans le fluide, c’est donc une très bonne chose pour l’efficacité d’un refroidissement quelconque. Cependant, assez rapidement, on a beau augmenter le débit pour améliorer toujours plus l’échange convectif, le gain devient très faible par rapport aux moyens déployés pour les raisons évoquées ci-dessus et on se retrouve finalement avec de nouveaux inconvénients (bruit, consommation électrique, encombrement, etc.). Les propriétés thermophysiques du fluide ne permettent alors pas de faire tellement mieux. Il faut donc trouver un moyen d’augmenter sa conductivité thermique pour espérer augmenter sa diffusivité thermique, tout en évitant les inconvénients au maximum.

Alors, quelles alternatives ?

On pourrait penser à utiliser certains alliages métalliques liquides à température ambiante qui disposent d’une bien meilleure conductivité thermique que l’eau, mais leur utilisation requiert une pompe particulière vu leur densité plus élevée (l’alliage de gallium + indium + étain est 6,4 fois plus dense que l’eau par exemple). Ils peuvent aussi poser des problèmes de toxicité, de réactions chimiques avec divers métaux, sans parler de leur aspect moins pratique, de leur disponibilité ou de leur coût. Ce n’est d’ailleurs pas certain qu’ils soient tellement meilleurs, car on ne peut préjuger de rien en se basant uniquement sur la valeur de la conductivité thermique. En effet, les autres propriétés interviennent également, sachant que certaines sont beaucoup moins bonnes que celles de l’eau. Le débit atteint dans la boucle de refroidissement aura aussi toute son importance.

Pour la suite, on s’occupera uniquement d’écoulements turbulents en convection forcée (utilisation d’une pompe pour déplacer le fluide). De plus, on restera concentré sur les fluides faciles d’accès que l’on utilise couramment et qui font l’objet de plus en plus d’études pour les améliorer, notamment l’eau. Un moyen pour parvenir à intensifier les échanges thermiques : doper le fluide pour en faire un nanofluide.

  1 – Comment améliorer encore plus l’efficacité d’un refroidissement liquide ?2 – Nanofluide, késako ?3 – Évolution du concept : « size does matter »4 – Amélioration de deux paramètres de base5 – Lutte contre la couche limite dynamique6 – Quels phénomènes principaux sont candidats pour expliquer ces améliorations ?7 – Que donne un nanofluide dans une application réelle ?8 – Bilan sur l’intérêt d’un nanofluide Page suivante »

©2003-2019 Cooling-Masters.com. Tous droits réservés.